Comment un contrôle d'identité tourne au passage à tabac

Publié le par D i s s i d e n c e

Samedi 5 avril, à Lyon, après une soirée avec deux amis, vers une heure du matin, Abdel* patiente devant l’arrêt de bus du C3, à la sortie de métro Hôtel de ville, pour rentrer chez lui.

Une Laguna verte s’arrête, trois policiers en civil en sortent, mettent leurs brassards. Ils intiment aux trois amis l’ordre de sortir les mains de leurs poches, et de présenter leurs cartes d’identité ; ce que les trois personnes font. Abdel n’a pas la nationalité française mais il possède un titre de séjour de 10 ans. Une première palpation de sécurité est effectuée. Le motif ? Aucun.

Le flic qui contrôle Abdel lui demande « il est de quelle origine votre ami ? ». Réponse « Vous n’avez qu’à lui demander directement ». Suite à cette réponse logique que le policier doit sans doute trouver impertinente, le flic demande à Abdel de mettre les mains contre le mur pour le fouiller à nouveau. Abdel objecte que s’ils veulent le fouiller, il faudra l’emmener au commissariat.

C’est à ce moment que le policier s’énerve et plaque brutalement Abdel contre le mur, puis le fait tomber à terre. Tout s’enchaîne très vite. Les policiers crient aux deux autres personnes de s’en aller, ce qu’elles font. Pendant ce temps Abdel est au sol, un policier est sur son dos. Il souffre justement de problèmes de dos et indique aux policiers que cela lui fait mal. Les policiers semblent ne pas entendre et lui serrent les menottes très fort, avec les pieds appuyés sur ses poignets. Il proteste, tout en continuant de vouvoyer les policiers. C’est là qu’un des policiers lui plante une sorte de crochet à trois piques dans le pouce gauche. La douleur est, sur le coup, très vive et la chair est apparente.

La plaie se met à saigner. Abdel est embarqué dans la voiture où les policiers le frappent à coups de poings et l’insultent « connard, voleur ». Ils se moquent d’une faute de français qu’a fait Abdel en se plaignant d’avoir mal « Si tu veux vivre en France, il va falloir t’intégrer et apprendre la langue ». Abdel perd plus ou moins connaissance dans la voiture ; à l’arrivée au commissariat, les policiers le traînent à terre par les menottes, ce qui lui fait très mal aux poignets. Ils appuient avec leurs pouces derrière ses oreilles et sa mâchoire pour l’obliger à se lever. Puis on le colle la tête contre un mur, on l’insulte. Abdel proteste devant ces agissements, qu’il qualifie de racistes. Il se débat pour éviter les coups. Plusieurs policiers s’acharnent alors sur lui, à coups de poings, de pieds et de matraques. Il saigne abondamment de la tête. Un des policiers l’étrangle avec le coude autour du cou, il a beaucoup de mal à respirer. À ce moment là, un des policiers prend peur et invite les autres à l’emmener aux urgences. Abdel se relève, il veut se regarder dans la glace pour voir l’état de ses blessures. Nouveau coup de poing. Quelqu’un nettoie son sang à terre avec un balai-serpillère. « On aurait dit que n’était pas grave de voir tout mon sang répandu par terre, comme si mon sang comptait moins que le leur ».

Un drap est placé dans la voiture de police « pour ne pas salir les sièges ». Abdel perd connaissance. Enfin arrivé aux urgences, et toujours menotté, il perd beaucoup de sang. Il est assis sur un brancard et ne peut s’allonger, avec les bras menottés dans le dos. Le médecin demande si on peut lui enlever les menottes pour le soigner, « non il est très dangereux » répliquent les policiers. Finalement, ils acceptent (tout en ayant proposé de lui entraver tout de même les pieds). Des points de suture sont posés. Abdel demande un verre d’eau, refus des policiers. Une soignante finit par lui en apporter un. Le médecin s’inquiète de l’état de sa main, qui a bleui à cause des menottes très serrées.

Il est 3 ou 4 heures du matin. Abdel va passer la nuit à l’hôpital. Les policiers lui rendent alors sa veste, sa carte bleue et son portable et partent tout simplement. Ils ne lui auront jamais signifié la raison du contrôle, de son arrestation, ni bien sûr des coups.

Le lendemain, Abdel a très mal à la tête. Il obtient du médecin un certificat de 2 jours d’ITT.

Sa main gauche lui fait toujours mal, il a des fourmillements quand on lui touche le poignet.

Deux jours après un autre médecin constate les lésions suivantes : plaie du cuir chevelu suturée, plaie au niveau du pouce de la main gauche, douleur au niveau de la face externe du 5e métatarsien de la main gauche nécessitant un bilan radiologique complémentaire, douleurs dorsales, traumatisme psychologique.

* Le prénom a été changé pour préserver l’anonymat.

source : Témoins

Rappel du numéro de Témoins/caisse de solidarité : 06 43 08 50 32
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