Dazibao... dans la rubrique Agir

Publié le par Alessandro

Dazibao

 

 

 

« C’est quoi ?

 

- un mot chinois y paraît.

 

- ouai bon, à la limite, mais ça veut dire quoi ?

 

- ben…c’est du chinois, on y comprend rien ! »

 

 

 

            N’en restons pas là, c’est peut être du chinois, mais il est possible que ce soit dissident, alors ça peut nous parler.

 

            De 1966 à 1979, les murs de Pékin, mais aussi d’autres cités interdites de l’Empire chinois, ont été ponctuellement recouverts d’affiches aux caractères subversifs qui tentaient d’entretenir apparente la tension née de la nécessité de lutter et de résister.

 

            Ce mode d’affichage illégal était un véhicule d’informations et se présentait parfois sous la forme d’une page de journal « artisanal » collé au mur, d’une image, ou encore d’une simple phrase.

 

L’illégalité de l’action tenait à la fois au mode d’affichage, un affichage sauvage, dans des lieux publics comme privés, mais également aux propos et aux informations détenues dans ce qui pouvait parfois ressembler fortement à des pamphlets. Ce genre de manifestations est également visible dans le Tag, sauf que dans ce dernier, le message et l’information qu’il renferme sont totalement absconds pour beaucoup, et tout juste cons pour encore plus. Quand je suis remonté à Lille (subtil introduction de l'anecdotique...), j’ai revu des potes grapheurs (ONIR, PMU et NEKO), on discutait du Tag et on parlait de la propriété, PMU et NEKO me disaient qu’ils ne taguaient pas sur des maisons, c'est-à-dire, pas sur ce qu’ils appelaient  « l’espace privé » (en opposition à espace public, qui est à tout le monde), alors ONIR (grand lecteur de Boris Vian à ses heures retrouvées ou perdues) entre dans la conversation en citant Proudhon « La propriété c’est le vol »…je ne poursuis pas plus loin ce couplet sur l’éloge de la subversivité du Tag, qui est bien trop souvent récupérée, anesthésiée, voire annihilée.

 

 

 

            D’abord vous allez me dire que ce n’est pas nouveau, on me parlait à juste titre du journal Mur-Mur qui se frayait une chronique sur les murs de Grenoble pendant Minatec.

 

Je ne connais pas ce « journal d’information direct », comment était il organisé etc…

 

Si vous avez des infos, je suis preneur.

 

 

 

            A côté de ça, il y a les actions anti-pub, les déboulonneurs etc…Des gens qui entrent dans l’illégalité parce qu’ils s’attaquent ouvertement au matraquage publicitaire, lequel est, dans un cas sur trois, illégal. Ils s’attaquent donc à ces panneaux illégaux et ont par exemple comme revendication de réduire l’affichage publicitaire à 50 x 70 (je crois que c’est ça…).

 

            Tout en étant solidaire de leur lutte, je n’en démords pas, qu’il soit légaux ou non, qu’ils fassent 50 x 70 ou moins, que le « seuil » de supportabilité soit dépassé ou non, je pense qu’il faut s’attaquer à ce media qui, au sein du panthéon des véhicules et des relais des enjeux de dominations, figure parmi les plus abrutissants, les plus avilissant qui soient.

 

 

 

            Rosa Luxembourg ou les situationnistes véhiculent cette même idée de la perturbation du lien social, d’interrogation de la norme, non pas de sa destruction, mais bien de son ébranlement, de son déplacement. Parce ce que c’est dans cet interstice où le décalage implique une remise en question, consciente ou non, brève ou non, que peut germer la prise de conscience.

 

 

 

            Une amie, étudiante en psychologie, m’a déjà suggéré quant à ce genre de « chocs » qu’ils pouvaient générer une violence psychologique, pouvant se révéler ingérable (racisme, xénophobie etc…ou encore comportements violents reflétant la violence ressentie) et que de plus, c’est quelqu’un qui choisissait d’imposer à un autre cette violence, elle avait l’air de me dire  « au nom de quoi imposer cette violence ? ». Elle désapprouvait ce genre d’initiatives.

 

            Et pourtant…retournant contre elle ses propres armes ; tout ce qui se passe dans le psychisme et dans l’inconscient doit s’exprimer, d’une manière ou d’une autre. La violence est là, quel soit physique, visuelle ou symbolique, et la nier, la taire et l’empêcher de s’exprimer aurait, on peut le penser, des répercussions bien plus dangereuses pour le réseau social. Alors oui, il s’agit d’imposer, ou plutôt de s’imposer, il s’agit d’imposer cette perturbation tout comme l’on s’impose quotidiennement aux autres (enfin, c’est plus eux qui s’imposent à moi en général…). Et puis cette perturbation n’est qu’une porte que l’on ouvre, ce n’est qu’une possibilité, pas une obligation ou une attaque…l’attaque n’est pas portée contre la personne elle-même, mais contre un fonctionnement qu’elle porte et qui la penche vers la terre.

 

 

 

            L’autre question qui s’impose, dans quelle mesure peut on considérer qu’une dynamique subversive et contestataire n’est pas elle-même une sous-pape de ces tensions, un moyen d’exprimer et d’expulser cette violence, tant que celle-ci n’a pas changer ou renverser l’ordre établi ?

 

Peut être que pour vous la réponse apparaît comme évidente, je pense que la question est utile et nécessaire, attaquons nous à l’évidence, aux évidences, que ce soient celles des autres ou les nôtres.

 

           

 

            Voila une idée, j’attends ce que vous en pensez : pratiquer l’affichage illégal et régulier de textes, d’images, de photos, de dessins, de phrases. Je ne parle évidemment là d’aucune organisation, chacun affiche ce qu’il veut, en nombre d’exemplaires réduit, peut-être parfois unique. Je parlais des déboulonneurs, parce que je pense que s’attaquer à l’affichage publicitaire, le recouvrir, est cohérent avec ce moyen de diffusion, et parce que ces dernières ont un statut privé/public mal défini. Que ce soit clair, je ne préconise cette cible que parce qu’elle me semble stratégique, d’autres le sont aussi, qu’elles soient privées ou publiques. Ces affiches auraient pour but de mettre à profit la créativité de ceux qui les font et la réactivité de ceux qui les voient, qui les regardent, qui les lisent. Parce que « créer c’est résister… ». Par ce biais, on trouverait le moyen de résister sans militer. Pas de sigles, pas de logos, pas d’adresses, pas de noms sinon ironiques…

 
 

           
           
Les écueils à éviter peuvent être nombreux, comme celui de remplacer la pub par une autre pub, cette action se voudrait à la fois non moralisante et claire, il serait question de ne pas détruire le lien social (comme le suscite parfois le Tag sur des gens qui ne comprennent pas pourquoi, et donc s’en éloignent) mais de créer et générer une interaction qui entraînerait une remise en cause des conventions sociales et de l’évidence.

 

            Je ne crois pas qu’il puisse exister d’autres moyens, plus puissants que l’art pour susciter ce trouble. Celui qui ne tente pas de convaincre ou de manipuler, parce que l’art n’a rien à prouver.

 

            Peut-être certains d’entre vous vont considérer cette solution comme « bien gentille » mais totalement inefficace et à la portée microscopique. Cependant je crois que c’est un mode de lutte qui illustre très bien la résistance que nous sommes forcés de porter.

 

 

 

veni, vedi, dissidi.

 

 

 
 
 

Publié dans Agir

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B
A Brest paraissent les Mur murs de la ville.http://infokioskenbullant.c.la/A Strasbourg, La Brique et L'Adhésif (pas vraiment un mural pour le coup, mais idée intéressante).http://crep.strasbourg.free.fr/
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A
ce texte est trés interessant, même si la tournure des phrases est parfois chiante, sinon il traite parfaitement du premier écueil mentionné, le rapport entretenu avec la publicité. L'auteur de ce texte problématise par un truc du genre: le texte utilise les méthodes de la pub, donc publicitaire et poétique se cotoient, le publicitaire a de grandes chances de masquer le poétique. et là, même si j'attache une grande importance à l'acte artistique, ce n'est pas le seul enjeu du Dazibao, si du jeu entre publicitaire et poétique peut gerber le politique...ben c'est tout bon pour moi. Je ne suis pas en train de dire que je veux faire de la pub pour des idées, juste que la chose qu'ont en commun la pub et la poésie, c'est une volonté de mise en forme, la pub et la poésie se rejoingnent sur une caractéristique qui ne leur est pas propre et ne les définit pas, autant dire que le dazibao n'a pas a souffrir, je crois, de la comparaison avec la pub, ou la poésie, c'est un démarche transversale, créatrice et je crois dissidente.
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R
Petite contribution au thème soulevé : j'étais justement en train de lire ça... (Je sais, un surréaliste belge ça fait pas serieux au premier abord...)Ca rejoint quelques questions posées par Alessandro même si pas toutes...http://www.textyles.be/textyles/pdf/8/8-Biron.pdf
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