Etre contre la religion sans être islamophobe
Le voile...
Une tension interne est née. Nous ne pouvons en tolérer aucune.
Je me propose donc ici de préciser le dogme dissident sur la question religieuse.
Rappel des faits :
Le membre Y proposa la citation suivante :
" Dans voile, il y a viol. " (Jacques Julliard), précisant qu'il s'agissait d'un joli cas d'islamophobie.
Ce à quoi, désolé, le camarade X rétorqua ici que (et je cite in extenso)
" Jacques Julliard n'est pas un grand copain, mais je suis désolé, philosophiquement, c'est vrai. Après, le fait de manier cette image en public c'est super dangereux, c'est vrai aussi. Mais si Nietzsche avait dit que dans chrétien il y avait crétin, on aurait pas fait les grands yeux comme ça. "
Face au risque de division, je prends donc la plume (en espérant secrètement en suciter encore plus).
Pour moi cette citation permet de pointer l'islamophobie rampante d'un Julliard qui, sous couvert de vieux républicanisme laïcard, méprise et humilie la population musulmane de notre pays, dominée parmi les dominées.
Deux rappels du dogme dissident s'imposent. Tel Moscou précisant la ligne idéologique du parti contre tout déviationnisme, je fais ces rappels (à l’ordre) au nom de « Dissidence » ( ?!). N'hésitez pas, si nécessaire, à dire que c'est totalement faux, que notre ligne est toute autre, et il y aura débat (ou exclusion).
1) Dissidence, et le ton général en témoigne, est bien sûr radicalement anti-religion. Toutes les religions sont des aliénations. L'Homme n'a pas à se tourner vers dieu, mais vers lui-même, dans une lutte pour la dignité. Et puis en plus, dieu n'existe pas. Comme les autres religions, l'Islam est donc un obscurantisme réactionnaire liberticide. Je n'ai aucun complexe à le dire. S'il fallait argumenter, je rappellerais que toutes les religions sont systématiquement homophobes. Pour moi il n'y a donc pas de débat sur les religions qui, historiquement, ont presque toujours représenté des modes de domination.
Ceci étant rappelé, il faut affiner et préciser que, dans certains contextes, la religion peut représenter une ressource pour les résistances (révolutionnaires chrétiens en Amérique Latine…), ou peut aider certaines personnes à se construire, etc. Mais en définitive, la religion restera toujours une aliénation, contre laquelle il faut lutter. Les religieux sont donc bien nos ennemis.
2) Pour autant, Dissidence (qui se veut critique au possible) s’évertue à dénoncer toute la gauche française, y compris radicale, qui s’est fourvoyée dans l’islamophobie lors de la loi sur le voile, et continue depuis à tergiverser. Nous souscrivons à l’analyse clairvoyante de Saïd Bouamama dans (L’affaire du foulard islamique. La production d’un racisme respectable). Il faut être sans pitié contre ces profs de philo (des militants à la LCR, par exemple…) qui forts, d’un républicanisme ignorant ce qu’a été la République dans les faits, ont chassé de leur cours des jeunes filles voilées. Encore une fois cette gauche nous a montré de quelle bêtise et manque de distance critique elle peut faire preuve (comme lorsqu’elle votait en masse pour Chirac en 2002, comme elle peut condamner les méchants casseurs, etc.). Comment peut-on punir une jeune fille de 16 ans, qui appartient à la communauté la plus dominée de ce pays, humiliée en permanence, abandonnée par la gauche, et qui se tourne vers le culte comme dernier lien social, sous unique prétexte qu’elle porte un carré de tissu sur les cheveux ? Encore une fois, interdire l’accès à l’enseignement à ces jeunes filles, en plus d’être un non-sens effrayant (« elles font fausse route avec le voile, donc il faut les descolariser... »), cela revient toujours à punir les victimes. Or, notre place est clairement aux côtés des dominés. De même, il faut à la fois préciser nos profonds désaccords éthiques et philosophiques avec les organisations de résistance palestiniennes, et dans un même geste soutenir ces résistances contre l’une des plus infâmes agressions contemporaines, celle pratiquée par Israël.
Nous sommes contre le voile en tant que pratique religieuse. Mais le fait est que le port du voile aujourd’hui ne peut être résumé à la religion. La communauté musulmane étant objectivement dominée, c’est aussi un mode de résistance « ostentatoire ». Peut-être pas le meilleur, certes, mais les dominés se révoltent avec les moyens qu’ils ont. Nous ne nions pas non plus l’opportunisme des quelques religieux réactionnaires qui drainent à leur profit le désespoir social des quartiers populaires. Eux sont clairement nos ennemis aussi, car ce sont d’autres dominants. Il faut en effet lutter contre les endoctrineurs, de toutes les religions (sinon c’est de l’ethnocentrisme), mais pas contre leurs victimes.
Au-delà de l’Islam, c’est toute une culture qui est officiellement discriminée, agressée, méprisée, au nom des « Droits de l’Homme ». L’Islamophobie est devenue le cheval de bataille privilégié de l’idéologie dominante. Ce n’est pas parce que nous sommes philosophiquement antireligieux que nous devons céder à l’ethnocentrisme, et hurler avec la meute française dans une haine de l’autre.
Cette population a justement un énorme besoin de profs, s’ils veulent bien renoncer à leurs visions coloniales de mission civilisatrice des sauvages.
Notre rôle est de dénoncer ce pseudo féminisme républicain, qui entretien en même temps la domination masculine. Entend-on ces profs dénoncer le fait que l’agrégation de philo est presque entièrement réservée aux hommes ? J’aimerais aussi connaître un peu mieux leur vie domestique et la répartition des tâches au sein de leurs ménages… Bref pas de leçons à donner, et surtout pas au nom de la République. La question du voile, comme celle de la violence en politique, représente un cas typique de la façon dont la gauche peut se faire idéologiquement happer par le discours dominant. Le regard dissident, c’est une vigilance permanente, une distance critique de sécurité : quand nous nous retrouvons à partager les opinions de nos ennemis, c’est qu’il y a un vice idéologique quelque part.
Carton rouge donc à tous les islamophobes, surtout s’ils appartiennent à la gauche dite radicale. Lutter fermement contre les dérives de certains courants militants, n’a pas pour but de nous diviser, mais bien de veiller à construire ensemble une résistance cohérente. De fait ceux qui ne peuvent entendre et tolérer nos critiques ne sont pas prêts à construire avec nous. De notre côté, nous sommes réceptifs à toutes attaques car c’est de cette tension que naît la dynamique de contestation, et certainement pas dans l’unisson tricolore des chorales laïcardes moralisantes.
Communiqué de l’ID.
(Internationale Dissidente)