Les filets de l'être critique. Lettre aux dissidents.
La question aujourd'hui est de savoir si l'on doit voter pour le PS.
Non.
Je sais que par charité pour ceux qui souffrent, il faut empêcher Sarkozy de passer. Mais je pense qu'un tel système politique et électoral doit changer au plus vite. Et que c'est un horizon probable mentalement pour beaucoup de monde, et aussi en terme de proximité temporelle. Voilà une bataille que nous pouvons gagner. Ce vieux système dans lequel certains d'entre vous me demandent de m'engouffrer et qui fait que de tels extrêmismes sont possibles, doit et peut être aboli. Nous vivants.
En 2001 nous avions droite molle contre droite dure. En 2007 nous avons droite molle contre droite dure. Les électeurs parlent, s'expriment pour la droite, comme toujours. Le Suffrage Universellement con qui fait voter 50 millions de "nos concitoyens" pour n'en élire ... qu'un seul. Ce système n'a que l'aspect quantitatif du démocratique, et est contre la démocratie. Ou du moins pour l'inertie et le maintien des structures de domination dans lesquelles doiminants comme dominés sommes coincés et aliénés.
Deux constats. D'abord nous sommes les dominants, nous en avons les attitudes et les attributs. Mais nous résistons contre ces formes d'exploitation de l'homme par l'homme qui oui, comme le dit Bourdieu, est une dialectique connue depuis Platon. Mais nous sommes des dominants qui avons choisi de reconnaître notre aliénation au bien-être matériel que nous procure (dans cette société-monde) l'existence de dominés. Un peu plus libres, peut-être, mais en résistance d'abord contre nous-même. Je parle en mon nom : c'est dur de dissider.
Ensuite, il y a une différence avec 2001, c'est qu'aujourd'hui Sarkozy a plus de chances de passer qu'hier n'en avait Le Pen. Il y a une menace. Je ne céderai pas pour autant à ce chantage. Je ne crois pas que les conditions sont particulières. Ou si elles le sont, trouvons maintenant une des causes qui fragilisent les logiques unitaires, qui fragilisent la lutte, qui fragilisent la dissidence. C'est une vie politique usurpée, et qui a pourtant, potentiellement (juridiquement et non factuellement), des pouvoirs réels.
C'est l'occasion de consommer l'impasse. Se dire que si l'on se jette dans la gueule de ce loup invisible et informe, sur ce plan, rien n'avancera. Consommons cette rupture. Que Sarko gagne, et le combat commence. Je suis de ceux qui pense que le PS de gestionnaires est allé trop loin pour qu'on puisse même le considérer comme meilleur. Inutile de vous rappeler au bon souvenir. Pour de vrai, si cette enflure absolue et totale de Fabius est ministre, je préfère encore Sarko.
La violence, et son statut dans l'état de droit, y pensons-nous assez souvent ? Je suis contre lorsqu'elle s'avère improductrice. Mais je crois que comme toujours, les sociétés y reviendront. La notre de violence doit être symbolique. Car ce monde l'est. 51% d'abstentionistes c'est de la violence. L'Histoire sans le conflit n'existe pas. Elle est succession de tensions et de luttes. Le CPE a montré que les rapports de forces étaient déséquilibrés, débonnaires. Mais ne lâchons pas ce rapport au pouvoir, pourtant, des fins de manifs. Le dialogue serein avec le pouvoir politique nous dessert. Depuis quand voter PS ne signifie pas se résoudre ? Pour vous depuis toujours peut-être, mais pour les autres ?
En démocratie la lutte a une seule chance de survivre, c'est les autres. Car elle survit grâce aux autres. A la confiance qu'ils ont en elle, la légitimité qu'ils leur donne. Beaucoup de politologues ou sociologues font le constat que la gauche bénéficie d'une bien plus large crédit, au sens des valeurs, que la droite. Pourtant, c'est la droite qui gagne dans les faits. La droite fait près de 80% et la gauche un faible 20%. ce sont les vrais chiffres et personne n'est dupe. Alors je vous le dit, et je vous montre que je ne suis pas puriste, mais bien pragmatique : la dissidence aura bien plus le vent en poupe sous la droite que sous la gauche. Sales logiques de merde, dont nous dépendons hélas.
Je sais aussi que la plupart d'entre vous ne croient pas à la politique du pire. Moi non plus, je n'irai pas voter Sarkozy. Mais je veux vous dire à quel point il y a décalage entre le fait que vous niez l'importance qu'a cette élection (et qui vous permet de voter PS), et l'importance que LES AUTRES donnent à cette élection. C'est ce qui devrait vous montrer qu'elle est importante aussi pour nous cette élection : c'est qu'elle est importante pour les autres ! Or il faut dire que c'est honteux que la politique prenne ces formes ! Il fautr déserter ce mode d'action que légitiment les autres. Le pouvoir qu'a cette élection est dans l'onction légitimatrice (car démocratique) dont elle pare les dominants. Dé-légitimons ceci, tout de suite !
Je ne veux pas hâter la libération du peuple russe. Je ne suis pas un bourgeois perdu dans les idées et qui ne voit pas le peuple souffrir. Mais je ne suis pas non plus un bourgeois qui choisit la charité et malgré lui conserve toutes les raisons des souffrances qu'il guérit un peu, pour à chaque fois éviter le pire. Courons après chaque sarko, mettons les en prison, il y aura tant à faire ! Alors que l'on sait depuis toujours qu'il ne suffit pas de combattre l'injustice. Il faut donner de son intégrité. Qui est le plus pur? Pas moi ! Je reconnais que mon comportement est égoiste et bourgeois. Je l'assume. Il est nécessaire pour déserter ce mode de scrutin de salauds qui nous remettra sur les mêmes rails dans cinq ans.
L'élection est importante car il faut lutter contre elle. Si vous dîtes qu'il faut participer car ce scrutin est particulier, je pense que vous participerez et légitimerez cette façon de faire de la politique à chaque fois. Car les prochains scrutins risquent d'être encore particuliers. Mais si ce n'est que ça.